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Le Monde Philippe Pons 기자 |
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‘르 몽드’ 원문 |
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Reportage Cor´ee du Sud, le chagrin et la piti´e LE MONDE | 13.04.05 | 14h31 . Mis `a jour le 13.04.05 | 14h31 u sud de la Cor´ee, Cheju, “l’^ile des trois abondances” – femmes, pierres et vents – est surtout connue pour la magnificence de ses paysages. Mais c’est aussi une terre meurtrie, un tragique raccourci de l’histoire du pays. Chaque ann´ee, le 3 avril, la moiti´e de la population de Cheju pleure ses morts, massacr´es dans l’insurrection du printemps 1948 contre le pouvoir mis en place par les Am´ericains apr`es la lib´eration du joug japonais. Cette ann´ee-l`a, en quelques semaines, trente `a quarante mille personnes furent massacr´ees par l’arm´ee et les miliciens. Hommes, femmes et enfants ex´ecut´es sommairement, villages mis `a sac et incendi´es. Les dictatures, qui se sont succ´ed´e au pouvoir dans les ann´ees suivantes, ont pourtant refus´e syst´ematiquement de faire la lumi`ere sur ce sanglant ! ´episode. Parce qu’il est des blessures, et le drame de Cheju en est une, qui s’ulc`erent avec le temps au lieu de se cicatriser, les Cor´eens du Sud, comme les Chinois, ont d´ecid´e de rouvrir les dossiers noirs de leur histoire. Ils s’indignent surtout de ce qu’ils percoivent comme l’autoabsolution pure et simple que le Japon s’offrirait `a bon compte sur son pass´e expansionniste et les atrocit´es qui l’ont accompagn´e. Ce qui ne les emp^eche pas de rouvrir eux-m^emes les pages les plus sombres de leur propre histoire : la collaboration avec l’occupant nippon de 1910 `a 1945 puis les d´ecennies de dictatures qui s’ensuivirent avec leur cort`ege d’exactions sanglantes, tortures, assassinats. En 1905, le petit royaume de Cor´ee, Etat souverain plusieurs fois mill´enaire, passe sous protectorat nippon. Annex´ee cinq ans plus tard, la p´eninsule ne retrouvera son ind´ependance qu’en 1945, scind´ee en deux par les grandes puissances et sombrant dans une guerre fratricide avec dictatu! res au pouvoir de part et d’autre de la fronti`ere. Au Sud, tou! te une m´emoire sera occult´ee, falsifi´ee par les imp´eratifs id´eologiques de la guerre froide puis tenue sous le boisseau pour “raison d’Etat” parce que ceux qui tiennent le pouvoir avaient eux-m^emes collabor´e avec les Japonais ou qu’ils ´etaient issus de familles qui avaient travaill´e pour eux. Or la colonisation nippone ne s’´etait pas limit´ee `a l’exploitation du pays. Elle voulait aussi annihiler son identit´e culturelle en lui imposant une langue, des moeurs et des valeurs import´ees. L’objectif consistait tout simplement `a faire des Cor´eens de “bons” Japonais. Des Cor´eens r´esist`erent. D’autres pouss`erent la collaboration tr`es loin, jusqu’`a participer `a la r´epression, aux r´equisitions de compatriotes envoy´es dans l’enfer des mines du Japon et m^eme au recrutement de 200 000 “femmes de r´econfort” contraintes `a la prostitution dans les bordels de l’arm´ee nippone. La responsabilit´e des Japonais est grande, celle des bureaucrates et des agents recruteurs cor´eens `a leur! solde l’est aussi. Le g´en´eral-pr´esident Park Chung-hee, qui dirigea le pays de 1961 `a 1979 et le placa sur les rails de l’expansion aujourd’hui, la Cor´ee du Sud, 45 millions d’habitants, est la dixi`eme ´economie du monde , est une figure embl´ematique de cet encha^inement. Form´e `a l’acad´emie militaire de Mandchourie, colonel dans l’arm´ee japonaise, accus´e d’avoir combattu les partisans, ce qu’il a toujours ni´e, il prend le pouvoir en 1961, un an apr`es que les ´etudiants ont renvers´e une autre dictature, celle de Syngman Rhee mise en place par l’occupant am´ericain. Pendant quatre d´ecennies, l’´elite au pouvoir au temps des Japonais et qui domine encore la classe politique et le monde des affaires va s’employer `a “laver” son pass´e de collaboration dans un anticommunisme militant. Cette non-rupture avec la p´eriode coloniale, ce pass´e refoul´e ou d´eni´e, met S´eoul en porte `a faux `a la fois vis-`a-vis du Japon, seul accus´e des m´efaits de la colonisation, mais aussi de la Cor´ee! du Nord qui, elle, peut se targuer d’une ´epuration v´eritable ! et sans concession. Au Sud, l'”´epuration” fut hautement symbolique : `a peine 682 dossiers ouverts, 38 jugements, 7 condamnations, et autant d’amnisties. C’est que pour contr^oler le pays, l’occupant am´ericain a maintenu l’administration et la police mises en place par les Japonais, suscitant la rancoeur, l’opposition puis la r´evolte de ceux qui se sentaient ni´es et spoli´es de leur pass´e de douleur. Avec le nouveau pr´esident Roh Moo-hyun, ex-avocat des droits de l’homme, ´elu en d´ecembre 2002, arrive `a la t^ete du pays toute une cohorte de repr´esentants de la frange progressiste de la population, celle qui avait r´eussi, quinze ans auparavant, `a faire reculer la dictature puis `a donner naissance `a l’une des d´emocraties les plus dynamiques d’Asie. Des lois sont vot´ees, des commissions d’experts mises en place : commence le “r´eexamen” d’un si`ecle d’histoire cor´eenne. Pr´ecis´ement originaire de Cheju, Kang Chang-il, d´eput´e du parti gouvernemental Uri, explique le travail ! en cours : “Nous cherchons `a ´etablir des responsabilit´es et `a restaurer l’honneur bafou´e des victimes d’une ´elite qui s’est maintenue au pouvoir, de la colonisation aux dictatures, et qui a commis des exactions. Il ne s’agit pas de punir mais de permettre au pays de se rassembler.” “Un million de civils ont ´et´e massacr´es entre la fin des ann´ees 1940 et l’armistice de 1953, mettant fin `a la guerre de Cor´ee. Une bonne partie d’entre eux ´etaient accus´es d’^etre communistes. M^eme leurs enfants ont ´et´e victimes de discriminations”, poursuit-il. Historien de formation, emprisonn´e pour ses id´ees `a la fin des ann´ees 1970, M. Kang pr^one une r´econciliation nationale qui se fonde non plus sur l’anticommunisme et le ressentiment `a l’´egard des Japonais mais sur une “d´ecomposition-recomposition” de l’identit´e nationale en int´egrant `a la m´emoire collective les pages noires de l’histoire nationale. Ce travail de m´emoire sans pr´e! c´edent dans la p´eninsule prend pour mod`ele la Commission v´erit! ´e et r´econciliation de l’Afrique du Sud, et placerait la Cor´ee en bien meilleure position pour demander au Japon de r´efl´echir sur son propre pass´e. Le pr´esident Roh Moo-huyn multiplie les appels aux Cor´eens pour qu’ils se livrent `a cette introspection. Lors du dernier anniversaire de la d´efaite japonaise, le 15 ao^ut 2004, il lance : “Nous devons venir `a bout de cette aberration : trois g´en´erations qui ont lutt´e pour l’ind´ependance de la patrie ont ´et´e victimes de discriminations et pouss´ees dans la pauvret´e alors que les familles qui ont collabor´e avec les Japonais ont ´et´e privil´egi´ees.” En r´ealit´e, l’investigation du pass´e a commenc´e il y a d´ej`a une dizaine d’ann´ees par le biais des laborieuses recherches entreprises par des organisations non gouvernementales dans la mouvance de l’historiographie radicale dite “minjung” (d´emocratique). Ces chercheurs ont ´etabli des faits et dress´e des listes de collaborateurs. “Le travail de r´eactivation des arc! hives et d’´epuration vise `a d´eceler dans le pr´esent les reliefs de l’imp´erialisme japonais, source d’une conscience historique malheureuse o`u se fondent la division nationale et cinquante ann´ees de pli politique autoritaire”, estime Alain Delissen, ma^itre de conf´erences `a l’Ecole des hautes ´etudes en sciences sociales et sp´ecialiste de la Cor´ee contemporaine. “Au-del`a du traumatisme de la division, la Cor´ee souffre d’une soif inextinguible de reconnaissance”, pr´ecise-t-il. “Le r´eveil des Francais `a la suite du film de Marcel Ophuls Le Chagrin et la Piti´e (1971) est pour nous un exemple”, dit Chu Joo-supil, auteur en 1999 du premier livre en cor´een sur l’´epuration en France. Ancien correspondant `a Paris du journal JongAang Ilbo, M. Chu fut licenci´e en 1980 sur ordre du r´egime du g´en´eral-pr´esident Chun Too-whan et ne put retourner en Cor´ee que sept ans plus tard. Ayant suivi les proc`es Barbie, Touvier et Papon, il contribua `a faire conna! ^itre aux parlementaires sud-cor´eens le long cheminement de l’o! pinion francaise. “Il y a une grande diff´erence entre la France et la Cor´ee, explique-t-il, les Francais ont connu quatre ann´ees noires. Les Cor´eens trente-cinq.” C’est l`a l’un des ´ecueils du travail entrepris : peut-on parler de “collaborateurs” dans le cas d’une population colonis´ee durant pr`es de quatre d´ecennies dont, pour la majorit´e, la seule chance de “tirer son ´epingle du jeu” ´etait de pratiquer une “collaboration ordinaire” ? Des chaebols (conglom´erats) au syst`eme politique et bureaucratique, la Cor´ee moderne est profond´ement marqu´ee par l’h´eritage colonial. Liquider les reliefs de l’imp´erialisme suppose de faire remonter un douloureux pass´e refoul´e et de renoncer `a se consid´erer uniquement comme une victime. Les Cor´eens le furent, assur´ement, mais ils eurent aussi leur part de responsabilit´e. Le Sud doit aussi reconna^itre un fait historique embarrassant : l’ancien dictateur communiste de la Cor´ee du Nord, Kim Il-sung, s’est battu contre l! e Japon. Certains de ses “faits d’armes” figurent d´esormais dans les manuels scolaires apr`es avoir ´et´e ni´es ou rabaiss´es durant des d´ecennies par la propagande anticommuniste. L’opinion sort d’un long engourdissement, et le malaise est tangible. Les enfants posent des questions embarrassantes `a leurs parents et leurs grands-parents. Comme nagu`ere en France, les jeunes g´en´erations cherchent `a comprendre. Pour les plus ^ag´es, dont les d´echirements se sont tant bien que mal estomp´es avec le temps, il vaut mieux “oublier et pardonner”. “Pourquoi remuer cette boue ?”, l^ache une marchande au visage burin´e et rid´e comme une vieille pomme rencontr´ee sur le march´e de Tong Dae-mun, `a S´eoul. H´eritage de l’enseignement obligatoire de la langue de l’occupant durant la colonisation, la vieille dame parle encore japonais. “Il fallait bien que nous vivions pendant la colonisation…” Un propos qui refl`ete bien l’attitude d’adh´esion et de soumission de nombre de petites g! ens `a l’´epoque, mais qui engendre aussi un sentiment diffus m^e! lant la honte et le ressentiment tel qu’il est ´evoqu´e par le romancier Jo Jong-nae dans Arirang, nos terres sont notre vie (L’Harmattan), un roman fleuve empreint de dolorisme. Bien s^ur, cette campagne pour la v´erit´e historique n’est pas exempte de manoeuvres politiques. Accus´e par la droite d’^etre procommuniste, le groupe centre-gauche du pr´esident Roh Moo-hyun r´epond en accusant celle-ci d’^etre issue de la collaboration. “Faut-il faire de la Cor´ee le pays de la honte ?”, demandait cet ´et´e le quotidien conservateur Chosun Ilbo, s’insurgeant contre ce r´eexamen de l’histoire nationale. Le grand parti national qui repr´esente l’´elite conservatrice traditionnelle s’insurge aussi contre ce qu’il estime ^etre un complot visant `a discr´editer sa pr´esidente, Park Geun-hye, fille du dictateur Park Chung-hee. Dans la bataille tombent aussi des t^etes du parti gouvernemental Uri : `a commencer par celle de son pr´esident, Shin Ki-nam, dont le p`ere avait tra! vaill´e dans la police militaire nippone. Le cas d’une d´eput´ee, Lee Mi-kyung, clou´ee au pilori parce que son p`ere avait ´et´e gendarme au Japon, est r´ev´elateur de la complexit´e de l’´echeveau du pass´e. Mme Lee, emprisonn´ee lorsqu’elle ´etait ´etudiante pour sa lutte contre la dictature, est-elle responsable des actions de son p`ere ? Toute la famille est-elle “fl´etrie” alors que l’un de ses oncles est, lui, pass´e au Nord ? Une saga r´ev´elatrice du d´echirement de nombre de familles que l’on peut accuser `a la fois d’avoir ´et´e collaboratrices et procommunistes. “On ne peut rien saisir de la mentalit´e de Cheju sans remonter `a cette p´eriode”, explique Han Rim-wha, auteur d’un roman historique sur l’^ile martyre, Cr´epuscule sur le mont Halla, paru il y a une dizaine d’ann´ees. Lee Duk-gu, son personnage principal, ´etait le chef des partisans de l’^ile. Arr^et´e, tortur´e, ex´ecut´e, son corps fut expos´e, crucifi´e, en place publique. Les survivants du massacre sont surto! ut des femmes, rest´ees au village pendant que les hommes se ba! ttaient. Ostracis´ees, elles se sont mur´ees dans le silence et, longtemps, seuls les chamans ont ´evoqu´e les ^ames de ces morts bannis de la m´emoire nationale parce qu’ils auraient ´et´e des “communistes”. Aujourd’hui, il est question de leur ´elever un monument. La Cor´ee commence un douloureux processus d’exorcisme historique.
Philippe Pons Article paru dans l’´edition du 14.04.05 |


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다음은 4월 13일자 ‘르 몽드(Le Monde)’에 실린 ‘한국의 친일청산에 관한 특집기사’ 전문을 번역한 것이다. 조중동은 이 기사를 연합기사로 받아 가볍게 처리하면서 자신들과 관련된 사항은 의도적으로 배제했다. 이 기사는 주불 한국대사관의 협조로 번역된 것을 연구소 주섭일 지도위원이 입수, 연구소에 보내온 것이다.






